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ENQUÊTE : Une onde de choc : quand l'État ébranle les radios locales"

Elles sont 750, réparties dans toute la France. Elles vous réveillent chaque matin avec leurs programmes radiophoniques axés sur le local. Pourtant, ce chiffre pourrait être divisé par deux d'ici 2025. En effet, les radios locales associatives sont dans la tourmente. L'actuel projet de loi de finances en discussion à l'Assemblée Nationale prévoit une baisse de 35 % du budget du Fonds de Soutien à l'Expression Radiophonique (FSER). Une baisse de 10 millions d'euros pour le secteur des radios associatives. Comment en sommes-nous arrivés à cette situation ? Pourquoi le gouvernement souhaite-t-il diminuer ces fonds, alors que dans le même temps, il souhaite élargir le financement de la culture ? Vous allez découvrir dans cette enquête que la politique de réduction budgétaire ne date pas d'hier, mais qu'elle s'inscrit aussi dans une longue tradition politique. Radio associative locale dans la tourmente : une volonté de l'État ? Une enquête réalisée par Arthur BEX et Nathan Valayden.


Le projet de loi de finances 2025 ? Voilà un beau sujet de débat. Mais de quoi parle-t-on au juste ? Le projet de loi de finances vise à prévoir les recettes et les dépenses de l'État pour l'année à venir. Cela inclut l'estimation des revenus fiscaux, des cotisations sociales, ainsi que des dépenses dans divers secteurs, comme la santé, l'éducation et la culture. Cela permet au gouvernement d'avoir une vision claire de ses ressources financières et de ses engagements. Mais quel lien avec les radios locales ? Eh bien, si l'on creuse un peu plus ce fameux projet de loi de finances, prenons ce diagramme de répartition du budget par secteur alloué par le projet de loi de finances.


Zoom sur le FSER


On remarque que le budget consacré à la culture ne représente que 8,2 % dans le projet de loi de finances 2025. Une part moins importante après l'Éducation nationale, la sécurité, la transition énergétique et la santé. Or, le ministère de la Culture subventionne les radios locales, via le FSER, le Fonds de Soutien à l'Expression Radiophonique. Intéressons-nous à ce fameux Fonds de Soutien à l'Expression Radiophonique.

Il a été créé en 1982 pour soutenir les radios associatives locales dans leur mission de communication sociale de proximité, grâce à des subventions prévues par la loi de 1986 sur la liberté de communication. Il est financé par une taxe prélevée sur les recettes publicitaires des radios et télévisions. En 1984, l’interdiction de publicité pour ces radios a été assouplie, autorisant celle-ci à condition qu'elle ne dépasse pas 20 % de leur chiffre d'affaires.


Le FSER représente en moyenne 37 % des ressources des radios associatives, avec des subventions attribuées par le ministère de la Culture après consultation d'une commission. En 2003, le financement du FSER a été modifié : il est désormais issu d'une taxe inscrite dans la Loi de Finances et géré par le ministère de la Culture. Ce système, auparavant basé sur les recettes publicitaires, dépend maintenant du budget de l'État, créant une possibilité d'instabilité. Depuis 2009, le FSER est intégré au budget général de l'État, ce qui dissocie les aides aux radios du marché publicitaire. En 2010, 29 millions d'euros ont été versés aux radios bénéficiaires.


Ces aides sont essentielles pour les radios. Elles peuvent couvrir les coûts d’installation, d’équipement ou de fonctionnement, ainsi que des actions spécifiques comme la diversification des ressources ou la formation professionnelle des salariés.


On vient de le voir, le FSER est donc essentiel pour les radios. Revenons donc à nos 8,2 % dédiés à la culture dans le projet de loi de finances. Derrière ces 8,2 % se cache 40,56 milliards d'euros dédiés à la culture. Seulement, le FSER représente seulement 0,69 % du budget dédié à la culture. En d'autres termes, le FSER ne représente que 4,52 milliards d'euros. Un budget très infime, on en conviendra. Voilà donc pourquoi il s'agit d'un danger pour les radios. Car ce fonds déjà infime a été réduit de 10 millions d'euros.


Jetons un coup d'œil maintenant à la répartition des financements d'une radio associative en France. Prenons l'exemple d'une radio associative appelée X. Eh bien, si cette radio se déclarait comme radio associative, au nom de la loi 1901 relative à la formation d'associations, la répartition des financements serait celle-ci : Les principales sources sont :

Outre le fait que le FSER représente 37 % du financement d'une radio associative, un autre chiffre pose problème. À savoir celui des subventions locales perçues par les radios, qui, bien que financées par les villes et la région, demeurent liées à l'État au travers de leur statut de collectivité locale. 15 % sont des subventions locales, notamment en réalisant des économies de fonctionnement.

Les ressources des collectivités locales sont divisées en deux types : les dotations de l'État et l'autonomie fiscale.


Les collectivités locales (communes, départements, régions) dépendent en partie des dotations versées par l'État, notamment la Dotation Globale de Fonctionnement (DGF). La réforme de certaines taxes (comme la suppression de la taxe d'habitation) a affecté les recettes locales, même si l'État a promis de compenser ces pertes par d'autres moyens. Depuis plusieurs années, les gouvernements successifs ont cherché à réduire les dépenses publiques globales pour maîtriser la dette. Cela s'est traduit par des efforts pour limiter les dotations versées aux collectivités locales, qui représentent une part importante des dépenses publiques : une réduction progressive de la DGF. Cette réduction a commencé avant le gouvernement actuel, mais elle reste une politique active.


L'objectif affiché est d'encourager les collectivités locales à rationaliser leurs dépenses. Des réformes fiscales, telles que la suppression de la taxe d'habitation, une mesure mise en œuvre progressivement, ont été compensées en partie par une redistribution d'autres impôts, comme une part de la TVA pour les communes. Toutefois, les collectivités critiquent souvent cette compensation, estimant qu'elle ne leur donne pas autant de flexibilité que les taxes locales. Et il y a enfin les contrats de maîtrise des dépenses : depuis 2018, des contrats ont été proposés à certaines grandes collectivités pour limiter la croissance de leurs dépenses de fonctionnement. Seulement, avec cette politique, beaucoup de collectivités considèrent ces mesures comme une recentralisation déguisée, car leur capacité à gérer leurs ressources de manière indépendante est réduite.


Ce sont finalement les collectivités les plus dépendantes des dotations de l'État (souvent les plus petites ou les plus pauvres) qui sont les plus touchées par ces baisses.

Le gouvernement actuel justifie ces mesures par la nécessité de réduire le déficit public et de réorienter les dépenses vers des priorités nationales comme la transition écologique ou la défense. Cependant, il affirme vouloir accompagner les collectivités via des mécanismes de compensation et des fonds dédiés (par exemple, des plans de relance locaux).


"Comme l’État, les collectivités locales sont actuellement confrontées à la nécessité de réaliser des économies budgétaires. En effet, face à la baisse des dotations de l’État et à l’augmentation des transferts de compétences, les finances locales connaissent, et sembleraient connaître, des tensions et contraintes de plus en plus lourdes. Dans ce contexte de ressources contraintes, la maîtrise des dépenses s’imposant comme une nécessité, les collectivités territoriales ont engagé, avec des antériorités différentes, plusieurs types de démarches leur permettant de réaliser des économies budgétaires." David Carassus, Marcel Gouesnou et Younes Samali dans leur ouvrage : La recherche d’économies dans les collectivités territoriales : quels dispositifs pour quelles rationalités ? Plus de contrôle ou plus de pilotage ?

Résumons. Le FSER est prévu d'être réduit par le gouvernement dans le projet de loi 2025. De plus, la baisse des ressources des collectivités locales s'inscrit dans une politique de rationalisation des finances publiques portée par le gouvernement actuel, mais elle s'inscrit aussi dans une continuité de réformes engagées depuis plusieurs années. Ainsi, l'actuel projet de loi de finances 2025 a pour objet la ponction de 3 milliards d'euros pour les grandes collectivités territoriales. Cette coupe, ajoutée à la ponction de 10 millions d'euros, ferait en sorte que les radios associatives se verraient dans l'obligation de cesser d’émettre.


"Vu les finances de l'État, on s'attendait à un budget diminué de cinq pour cent, ça nous semblait logique. Mais 30 pour cent, c'est énorme. Nous, le FSER, ça nous fait 30.000 euros de subvention, notre budget annuel étant autour de 39.000 euros", explique Patrice Simard. "On a le logiciel de gestion, la comptabilité qui doit être expertisée pour que tout soit aux normes, ce qui est normal. La SACEM, ça nous coûte environ 4.000 euros, ça va vite. Le FSER, c'est vraiment notre source première, on compte dessus. Comment compenser cette perte d'argent, alors qu'on est limités en publicité ?" "Les personnes à la radio, elles font leurs émissions, elles ont la trésorerie, la compta, mais elles ont aussi leur vie professionnelle et familiale. C'est une passion mais elle a ses limites !"

En 2023, la ministre de la Culture, lors d'une conférence de presse, se félicitait pourtant d'augmenter le budget total de 11 milliards d'euros, soit une hausse depuis le début du quinquennat d'Emmanuel Macron de plus de 1 milliard d'euros. En 2024, ce montant n'évolue pas. Contacté par notre rédaction, le ministère de la Culture n'a pas souhaité répondre.


L'avenir des radios associatives locales semble incertain, confronté à une réduction significative du Fonds de Soutien à l'Expression Radiophonique (FSER) dans le projet de loi de finances 2025. Cette décision, qui prévoit une coupe de 10 millions d'euros, s'inscrit dans une politique globale de réduction des dépenses publiques, touchant aussi bien l'État que les collectivités locales. Alors que le gouvernement justifie ces mesures par la nécessité de maîtriser la dette publique, de nombreuses radios, déjà fragilisées par des ressources limitées, risquent de disparaître si ces coupes sont maintenues.




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