RENNES : Qui est Mayssa Jallad, qui se produit aux Transmusicales ces jeudi et vendredi
- Arthur Bex
- 5 déc. 2024
- 3 min de lecture

Ce jeudi 5 et vendredi 6 décembre 2024, Mayssa Jallad urbaniste et musicienne se produira en concert à l'occasion des Transmusicales. Zoom sur son parcours et son histoire libanaise.
Mayssa Jallad, chanteuse libanaise et chercheuse en urbanisme, incarne un témoignage poignant et engagé sur la complexité de son pays. À 34 ans, elle jongle entre la musique, la recherche et la réalité tumultueuse de Beyrouth, où elle vit avec son mari, chirurgien ophtalmologue. Malgré les bombardements récents au Liban, conséquence de l’escalade du conflit entre le Hezbollah et Israël, Mayssa Jallad trouve la force de monter sur scène pour présenter son projet musical, "Marjaa: The Battle of Hotels", lors des Transmusicales de Rennes, les 5 et 6 décembre.
Un album pour revisiter l'histoire
Avec "Marjaa", Jallad plonge dans un épisode oublié de la guerre civile libanaise : la bataille des Hôtels (1975-1976). Ce conflit, où plusieurs factions, dont des militants propalestiniens, s’affrontaient depuis les gratte-ciels de Beyrouth, constitue la trame de son album. Dans une interview à France Culture elle s'explique : « Les jeunes de ma génération n’en savent presque rien. Il n’y a pas de récit national, pas de livre d’histoire pour nous apprendre ce qui s’est passé. »
Pour elle, ces immeubles – certains encore en ruines, d’autres rénovés ou disparus – sont bien plus que des témoins du passé : ils incarnent l’héritage architectural et économique de Beyrouth. « L'Holiday Inn, avec ses mille chambres, est un symbole de cet âge d'or des années 50-60. Mais cette prospérité était un mirage, limitée au centre-ville, tandis que la misère s’étendait en périphérie. »
Un engagement marqué par la "révolution du 17 octobre"
Revenir au Liban en 2018, en pleine crise économique, relevait pour elle d’un choix presque instinctif. « Je voulais écrire cette musique sur l’histoire de Beyrouth et sur la violence qui persiste depuis des décennies. » En 2019, elle participe au soulèvement populaire, surnommé la "révolution du 17 octobre", qui a vu la jeunesse libanaise se mobiliser contre une classe politique corrompue. Pour l'artiste, « Nous avions tant d’espoir. Mais depuis, il y a eu la pandémie, l’explosion du port de Beyrouth, et maintenant la guerre. C’est comme si nous vivions avec les fantômes de nos crises passées. »
Pour Jallad, la guerre civile ne s’est jamais vraiment achevée. « Les idéologies qui s’affrontaient alors sont encore là, et tout tourne autour de la question du soutien à la cause palestinienne. Pour moi, c’est l’essence de tout. » explique t'elle dans une interview pour France Culture
Une volonté de création malgré le chaos
Les récents bombardements l’ont contrainte à quitter sa maison à Beyrouth pour se réfugier chez sa mère, en montagne. « Le bruit des bombes était insupportable, nous ne dormions plus. Mon mari a vu des horreurs inimaginables en soignant les blessés. Mais nous sommes vivants, et pour cela, nous sommes reconnaissants. » décrit t'elle au micro de France Culture.
Cependant, écrire de la musique dans un tel contexte reste un défi. « Juste avant les bombardements, j’ai écrit une chanson, Ad Douar ("le tournant"). Elle raconte l’histoire d’une femme expulsée de son village en 1948, une histoire que j’ai découverte dans des archives sur la Nakba. » Cette chanson, portée par un regard à la fois mélancolique et plein d’espoir, symbolise la vision de Jallad. « Regarder au loin, c’est ce que ma mère me disait quand j’avais le tournis. Il faut une vision, pas forcément optimiste, mais pleine d’espoir. »
En tant que chercheuse en urbanisme, Mayssa Jallad se questionne sur la reconstruction du Liban. « À qui appartient cette ville ? Comment respecter ses habitants dans sa reconstruction ? Ces questions restent toujours sans réponse. » explique t'elle. À travers ses chansons, elle tente de réconcilier passé et présent, et de transmettre un message à sa génération : comprendre l’histoire pour mieux appréhender l’avenir. « Nous vivons dans un pays dysfonctionnel, gouverné par des criminels devenus politiciens. Mon travail, c’est de réveiller les consciences, une chanson à la fois. » affirme la chanteuse.
Dans ce contexte d’accalmie précaire, les concerts de Mayssa Jallad en France résonnent comme un cri d’espoir et de mémoire, pour que l’histoire du Liban ne reste pas un terrain de bataille oublié.
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